7 novembre 2014

Regarde les éoliennes. Extrait 1/1

Voici l'incipit de la nouvelle "Regarde les éoliennes", extraite de l'anthologie Le réchauffement climatique, et après...  

Cette fois, je n'ai pas voulu donner dans le catastrophisme. Il s'agit plutôt d'une rêverie autour des éoliennes, du western et de la grande plaine hongroise.


Le vent souffle sur la puszta, balaye la plaine immense et s'en va au loin vers les montagnes invisibles. Un nuage de cendre enveloppe le shagya d'Árpád. L'homme arrête sa monture, laissant passer la pluie de poudre grise.

Il rabat son chapeau à larges bords, enfonce sa tête dans le col de son cache-poussière. Les grains viennent griffer le verre de ses lunettes de voyage dont le cuir protecteur s'étend jusqu'au nez et aux pommettes.

Le cheval hennit, aveuglé un instant, la robe fouettée. Mais il est désormais habitué à ces brusques tempêtes qui se lèvent aussi soudainement qu'elles retombent.

En effet, après quelques minutes, l'horizon s'éclaircit.

Ne subsistent plus au loin que quelques tourbillons flous qui semblent déformer le paysage à la manière d'un courant électromagnétique qui attirerait toutes les particules flottant dans l'air. Árpád essuie du bout de ses gants les carreaux terreux.

La lumière pénètre de nouveau dans ses yeux d'un bleu transparent.

Il pose sur la plaine rase son regard tranquille. D'immenses pales blanches se dessinent alors dans l'espace, tournant sur elles-mêmes, avec ce souffle rauque et lent des fauves qui somnolent : les éoliennes.

On dirait des oiseaux étirant leurs ailes pâles dans le ciel endormi. Plus rien ne bouge à part ces albatros de métal.

Árpád s'avance au milieu de ce champ infini, semblable à une colonie de mouettes qui n'en finiraient pas de décoller, poursuivies par quelque prédateur repéré en approche. Le temps se fige et cependant s'écoule encore.

Le soleil revient et colore la puszta de teintes ocreuses.

La brise forme entre les fûts comme un air d'harmonica qui se prolonge au-delà de tout ce qu'un souffle humain pourrait produire. Plus loin, les longs fils des lignes à haute tension émettent leur murmure indistinct, leur vibration sourde.

Árpád progresse dans cette forêt blafarde dont tous les troncs sont exactement semblables. Seuls les dépôts de terre apportés par les bourrasques introduisent une rare variété et puis certains lichens aux encroûtements dartreux.

Un gémissement monte.

Árpád se tourne vers l'origine du grincement. Son œil se pose sur l'éolienne dont les pales fatiguées paraissent prêtes à s'arrêter à chaque instant. Il grimace, dirige son cheval vers le tronc et le shagya obtempère de son pas lent.

Le cavalier saute à terre et ouvre l'armoire de couplage au réseau électrique. Il débranche la connexion après avoir examiné les circuits. Puis, une fois les rênes de sa monture attachées aux poignées de la porte, il pénètre dans le mât.

Image : source Wikipedia, éoliennes au Texas.

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